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La Terre est notre mère

Pierre Rabhi.
Benoist Magnat.

  Nous sommes venus vous rencontrer passer un peu de temps avec vous
pour qu'ensemble nous puissions parler de la terre. 
Nous sommes venus pour vous faire connaître ce que nous savons, connaître ce que vous savez 
et ainsi, améliorer nos connaissances mutuelles.

Nous sommes comme vous des paysans 
et nous voulons savoir s'il existe une bonne manière de cultiver la terre, 
d'en prendre soin car c'est à la terre que nous devons la vie. 

Les paysans travaillent la terre pour se nourrir et nourrir leurs semblables. 
Sans leur travail, la vie s'arrêterait. 
C'est à eux que les gens qui habitent les villes doivent leur vie. 
Si les paysans s'arrêtaient de nourrir les villes, 
les villes ne pourraient pas continuer à vivre. 
Car chaque être humain a besoin de se nourrir 
et c'est le paysan qui assure cette nourriture.

Les paysans restent près de leur terre. 
Ils savent qu'il y a des saisons, des moments où la pluie tombe et des moments où il fait sec,
des moments où il fait très chaud et des moments moins chaud. 
Les paysans connaissent le vent, la poussière, les mauvaises récoltes 
et les moments tranquilles où les greniers sont bien remplis, 
mais toujours ils restent près de la terre. 
Les paysans sont indispensables et nous devons être fiers d'être des paysans. 
Nous ne sommes pas des êtres humains inutiles, 
nous sommes les êtres humains qui veillent sur la vie. 
Parfois nos bras sont engourdis par le travail et notre corps est fatigué 
mais c'est à cela que nous devons notre dignité. 
Car tout homme qui ne peut satisfaire les besoins de sa vie par lui-même n'est pas libre. 
Notre travail nous préserve de devenir des mendiants, 
notre travail nous donne la liberté, que nous devons à la terre.

Sans la terre, aucun de nous ne serait vivant. 
La terre a nourri nos pères et nos mères, leurs grands-parents 
et ainsi de suite aussi loin que notre mémoire peut aller et bien plus loin que notre mémoire.
C'est à la terre que nous devons notre nourriture 
et celle de nos enfants et petits enfants qui devront aussi leur vie à la terre 
et ainsi jusqu'au dernier être humain.

C'est elle qui nourrit nos animaux et tous les animaux de la brousse.
C'est elle qui nourrit les arbres et toutes les plantes qui existent.
La terre est la mère universelle, elle est le bien suprême. 
Sans elle, ni les plantes, ni les animaux, ni les humains ne pourraient exister. 
Nous marchons sur la terre, nous nous reposons sur elle,
nous bâtissons nos maisons sur elle avec l'argile qu'elle nous donne
et lorsque nous mourrons elle nous recueillera en elle. 
Les corps de tous nos ancêtres lui ont été rendus, elle est ensemencée de nos ancêtres.

Nous ouvrons la terre avec nos outils et nous lui confions les semences, 
pour qu'elle les couve, les nourrisse et prépare les récoltes. 
Si la pluie ou l'eau de nos puits ont été suffisants, 
nous avons de bonnes récoltes et nous sommes satisfaits et tranquilles. 
Si la pluie a manqué, 
les récoltes sont insuffisantes et nous sommes malheureux et inquiets 
car il peut même se faire que nous ne récoltions rien 
et que la faim nous tourmente et nous transforme 
en mendiants quêtant un peu de nourriture pour ne pas mourir.

La terre est notre véritable mère.
Mais la terre est silencieuse, elle n'a pas la parole comme les animaux et les êtres humains.
Les animaux ont leur langage, les oiseaux ont leur langage,
les arbres même, semblent parler lorsque le vent tourmente leur feuillage
mais la terre qui enfante toute créature reste silencieuse.
Elle ne se plaint pas, elle ne pleure pas,
alors certains pensent qu'elle n'est qu'une matière sans vie.
Ces gens font erreur
car comment ce qui est mort peut-il donner ce qui est vivant ?

Mais nous savons tous que la terre n'a pas été ce qu'elle est aujourd'hui.
Nos grands-parents parlent d'un temps où les arbres étaient abondants,
les troupeaux étaient nombreux et les pluies abondantes abreuvaient la terre et les récoltes. 
Les villages remplissaient les greniers et étaient heureux.
Du temps de nos parents, la pluie a beaucoup diminué
et la sécheresse est devenue de plus en plus forte.
Les arbres ont eu soif et beaucoup sont morts.
Les plantes sont mortes en grand nombre
et les animaux, ne pouvant plus se nourrir ni s'abreuver sont morts en grand nombre aussi.
Les êtres humains ont perdu leurs troupeaux
et la terre ne les a plus nourris et beaucoup sont morts.
La terre dénudée s'est trouvée sans protection
et les pluies et le vent se sont mis à la décharner,
elle a maigri et elle a souffert.
Ses mamelles se sont taries et depuis ce temps, elle est faible et malade
et nous constatons qu'elle a de plus en plus de difficultés à nous nourrir.

Et si nous ne faisons rien,
elle ne pourra plus nourrir nos enfants et petits enfants.

Bien sûr, la terre sans l'eau ne peut pas nous nourrir
car l'eau est aussi une nourriture pour la terre comme pour nous-même,
les animaux et les plantes.
Et lorsque nous avons de l'eau et de la terre, cela est un privilège.
Mais la terre et l'eau sans le courage du paysan ne peuvent pas donner de nourriture.
Notre travail est indispensable. Et si nous avons la terre, l'eau et le courage,
sans les semences nous ne pouvons pas nous nourrir.
Il faut donc de la terre, de l'eau, des semences et du courage
pour que nous puissions être nourris.
Toutes ces conditions sont nécessaires.

La terre nourrit les plantes, les plantes nourrissent les animaux et les humains,
 mais qui va nourrir la terre ?
C'est le paysan qui doit le faire car on ne peut pas demander à la terre
la nourriture sans jamais la nourrir, elle s'épuiserait.
Donc le paysan a le devoir de nourrir la terre comme une mère.
Mais comment va-t-il la nourrir ?
Avec de la poudre vendue dans des sacs ?
Beaucoup de paysans ont constaté qu'avec la poudre la terre se dessèche
et que les plantes sont brûlées.
Cette poudre doit être achetée et coûte de plus en plus cher.
Alors le paysan utilise le fumier des animaux, cela est un peu meilleur,
mais la terre doit le digérer comme une nourriture non préparée.
Et la terre est comme un estomac faible que la sécheresse a éprouvé.
La terre ne digère pas bien le fumier mais cela l'aide un peu.
Certains paysans ont réfléchi et se sont dits que la nourriture
de la terre doit être préparée de façon à ce qu'elle soit pleinement satisfaite.
Ils se sont dits que la nourriture doit être équitablement partagée.
Au moment de la récolte, ils se sont dits que le plan de mil, de sorgho ou de maïs
constitue la nourriture des humains, la tige et la paille nourrissent les animaux.
Mais que donner à la terre ?
Ils se sont dits qu'il y avait des débris de végétaux de toute sorte
qui chaque année étaient perdus emportés par le vent.
Ils se sont dits que cette perte n'était pas bonne
car rien de ce que nous donne la terre ne doit être dilapidée.

C'est alors qu'ils ont compris qu'avec ces résidus mêlés au fumier,
ils pouvaient préparer la meilleure nourriture qui soit pour la terre.
Ils ont procédé à des actions qui paraissaient étranges.
Ils ont soumis à la fermentation ces débris.
Ils ont procédé à une sorte de cuisson et de ces détritus
ils ont fait une matière à l'odeur agréable.
Car ils ont compris que la terre était un être vivant, silencieux et discret.
Ils ont jugé que la terre était leur mère
et qu'à une mère on ne donne pas n'importe quelle nourriture
et que toute nourriture qui sent mauvais n'est pas digne de la terre.

Car nous devons traiter la terre comme nous-même puisque c'est l'être qui nous permet d'exister. Car la terre, les plantes, les animaux et les humains sont liés.
Mais ils ne pourraient pas vivre sans l'air, l'eau, la chaleur, la lumière.
Si un seul de ces biens manquait, la vie ne pourrait pas être.
Si l'air nous manquait quelques courts instants, nous mourrions,
si l'eau nous manquait quelques jours, nous mourrions,
si la nourriture nous manquait nous mourrions.

Pour que la vie puisse durer, il faut donc de la terre, de l'eau, de l'air,
de la chaleur et de la lumière.
Chaque plante et chaque animal ont les mêmes besoins.
Et la terre que nous croyons inerte a besoin d'eau, de nourriture, de chaleur
mais ce que nous savons à présent c'est qu'elle a aussi besoin d'air.

Nous sommes venus vous enseigner comment préparer la nourriture de la terre
et nous sommes heureux de vous faire savoir ce que nous avons nous-même appris
et dont nous avons tiré de grands avantages.
Nous avons été tellement satisfaits nous-mêmes des bienfaits de cette nourriture
de la terre que nous ne pouvons pas garder cet avantage pour nous seuls.
Nous voulons vous apprendre à le réaliser
et vous pourrez vous-même constater que nos paroles sont justes.
Cette nourriture donne à la terre presque tout ce dont elle a besoin,
cette nourriture retient l'eau et rend la terre perméable à l'eau et à l'air.
Aussi, les plantes seront plus épanouies et les récoltes abondantes.

Et lorsque vous serez vous-mêmes satisfaits,
vous pourrez enseigner à d'autres pays qui enseigneront à d'autres et ainsi,
une chaîne de bienfaits sera constituée
pour le bien de la terre et des êtres humains, mais aussi des animaux,
car eux aussi nous aident à vivre par leur chair, leur lait, leurs oeufs, leur travail.
Et il nous faut les respecter car nous sommes tous les fils et les filles de la terre-mère.

Pierre Rabhi.

Les champs d’OGM qui essayent de recouvrir la terre 
veulent devenir la pensée unique de la Nature, 
comme la culture du colza ou du maïs au service des multinationales, 
de la spéculation financière et des industriels de l’agriculture. 
Quand les multinationales auront pris en main plus de 50% de l’alimentation mondiale, 
on verra s’éteindre petit à petit et définitivement le statut de paysan. 
Pourrez-vous encore avoir un petit potager personnel sans être taxé ? 
On ne mangera presque plus que de la bouffe industrielle. 
La plupart des ménages posséderont un high Tech dans sa cuisine 
pour produire des repas de type Mac Do…

L’arme alimentaire sera au service d’enjeux géopolitiques, 
qui appauvrit les pauvres et enrichit les riches.

 

La diversité aura disparu, 
les maladies animales (genre prion) et végétales se répandront comme la peste, 
les industries chimiques et pharmaceutiques vendront des toxiques ou des vaccins 
pour enrayer les épidémies et les hommes trinqueront à l’oubli.

Il restera quelques espaces très chers, comme des "zoo" de la Nature, 
qu’on viendra visiter le dimanche ou pour les plus fortunés des safaris « nature » d’une semaine. 
On trouvera cela très rétro, mais si joli…

L’expansion du modèle de l’agro business, avec son cocktail de mécanisation, d’herbicides, 
de pesticides, d’engrais chimiques et d’irrigation intensive, nous conduits aux nappes phréatiques polluées et  à l’épuisement des sols du à la monoculture entre autres.

Et nos petits cancers du foie et du pancréas qui sont en marche depuis quelques dizaines d’années,
les mettrons nous sous l’arbre du Noël de nos amis ?

Produire oui ; mais pour produire mieux et plus sain. Reprendre les rênes de sa vie,  
de son environnement et de son alimentation, c’est devenu une ré appropriation sociale et politique. Il faut faire vite et bien avant que la Terre ne soit homogénéisée.

 

Benoist Magnat

 

Page insérée par Jean-la-houle le 28-02-06
Dernière mise à jour le : 28-02-2006  -  Texture de fond : 35

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